Photos

Mon père m’a très tôt appris à nager, de fait, j’ai fréquenté très jeune les piscines et j’ai tout de suite adoré ça.
Avant tout, j’aime la société des baigneurs, peuple un peu hors du temps, divisé en groupes sans cesse remodelés, tous âges, tous gabarits, rien de bien remarquable, des gens ordinaires qui se côtoient dans l’acceptation de l’outil d’applanissement social un peu ridicule, qui est le maillot de bain. On se croise, au fil du temps étant tour à tour ; joueurs enfantins bruyants et excessifs, chahuteur.euses ; sportifs appliqués ; famille délimitant son territoire par des glacières, des goûters, des sacs de plage ; pédagogues sérieux sur le bord du bassin suivant à petits pas des baigneurs débutants qui balbutient leurs premières brasses ; adolescent.es turbulent.es hâbleurs, séducteurs.trices réajustant lentement leur maillot, leur coiffure en gardant un œil alentour pour épier le regard de leurs pairs ; jeunes casse-cou des bassins plongeant du 5 mètres, voltigeant comme en lévitation au-dessus de l’eau, éphémères épateur.euses de galerie ; personnes âgées soucieuses de leur forme qui nagent en discutant à petits mouvements coordonnés avec la voisine de couloir. Tout ce monde qui se croise, se toise, s’ignore, se mêle, se chamaille sous l’œil fatigué et sévère du maître du lieu en slip de bain : le maître-nageur.

J’aime aussi l’odeur de chlore, d’humidité fraîche, d’herbe coupée quand les baies s’ouvrent sur les pelouses d’été un peu pelées, érodées par le passage des baigneurs et le ballet des serviettes étendues à même l’herbe.

J’aime la luminosité descendant en cascade d’immenses baies vitrées coulissantes et qui vient se jeter dans des carrés ondulants qui vont du bleu profond tout au fond du bassin, au petit bleu tout léger qui se joue du vert et du blanc sur le carrelage des plages.
J’aime la sonorité des lieux, comme une vague évocation de celle d’une cathédrale laïque, où les cris et les éclaboussures sont amplifiés par la hauteur des plafonds mais étouffés illico par la surface liquide.

Puis j’entre dans l’eau, la fraîcheur me rappelle que le corps est vivant, vibrant, alors les sens se tapissent tout au fond de moi. La tête sous l’eau, ma vue se brouille dans une palette sans cesse renouvelée de bleus. Le vrombissement du silence pulse aux oreilles et me révèle la possibilité de stopper la course effrénée d’une vie hors de la piscine.

La respiration coupée, le cerveau apaisé, les yeux frappés de sidération par tous ces bleus agités doucement, je profite émerveillée de cette pause tangible, illusoire. J’essaie alors de garder en mémoire cet instant où tout est clos du dehors, mais qui me fait toucher du doigt l’idée d’immensité, de grandeur, de plénitude pour tenter ensuite, depuis des années déjà, de la reproduire sur une toile avec quelques pinceaux et abondance de patience.

Anne Mallet

Photos de nuit

Collages

Pluie

fête foraine

Recevez directement les nouveaux contenus dans votre boîte de réception.

%d blogueurs aiment cette page :